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Balade au bout du Monde

17 juillet 2007

2.b. La Bolivie

Mise en ligne du message: ma 17 juillet 2007, 22h00
Mise en ligne des albums 2.01, 2.02, 2.03 et 2.04: ma 17 juillet 2007, 22h00

Sur la route Cusco - La Paz, nombreux sont ceux qui s'arretent a Puno (cote peruvien) puis Copacabana (cote bolivien), le long du lac dont je vous ai deja narre les legendes. Et vous savez quoi? J'ai fait pareil.

Apres un passage de frontiere un peu melancolique (j'etais a ce moment-la loin de me douter que j'allais revenir au Perou par deux fois), j'arrive bientot dans la charmante et paisible petite ville de Copacabana (a ne pas confondre avec le quartier bresilien de Rio), dont on fait certes le tour en un apres-midi, mais qui justifie sa popularite par sa proximite avec l'Isla del Sol. Cette derniere est non seulement la plus grande ile du lac, mais aussi reputee la plus plaisante. J'allais bientot pouvoir confirmer.

Debarque le lendemain matin a l'embarcadere nord de l'ile, c'est en prenant mon temps (et quelques photos au passage, l'album 2.01 est la pour le prouver) que je traverse celle-ci de presque tout son long pour parvenir a son extremite sud. L'espace de quelques heures, je me croirais presque en Mediterrannee, sur une Corse miniature (telle que je me l'imagine, du moins, n'ayant pas encore eu la chance de visiter l'Ile de Beaute). Les traces du passe inca, terrasses agricoles et ruines labyrinthiques en tete, sont neanmoins la pour me faire mentir! Quant a la concurrence acharnee que se livrent les etablissements de la localite principale, en pleine expansion touristique, elle me permettra au moins d'y deguster la reputee truite du lac et d'y passer la nuit a prix sacrifies (10 bolivianos, soit environ 1.60 franc suisse, pour une chambre individuelle...).

Le lendemain, je quitte deja ce havre de paix pour rejoindre un lieu autrement plus agite: La Paz la chaotique, La Paz la misereuse, La Paz la malfamee. Et pourtant... Dieu sait (s'il existe) que j'ai aime cette ville des la premiere image qu'elle m'a renvoye! Mon Handbook ne mentait pas: si l'arrivee sur les hauts de La Paz est a couper le souffle, l'altitude n'est pas seule en cause. Car c'est sur un saisissant denivele de pres de mille metres que s'etale la ville, entre les quartiers aisés (3'020 m) et le haut plateau d’El Alto (4'000 m), refuge des classes défavorisées. Une topographie unique qui en fait la capitale la plus haute du monde, bien que ce titre lui soit parfois conteste, La Paz n'etant que le siege du gouvernement (la capitale constitutionnelle reste Sucre).

Si la premiere impression me laisse pantois, la deuxieme me meduse carrement. Lache du bus a mi-hauteur, c'est quasiment hypnotise par le spectacle qui m'est offert que je descends les rues de la ville, mon cerveau ne gerant qu'avec peine la multitude de stimuli qui lui sont adresses. Car la Paz est une ville ou il n'y a rien a visiter, mais tout a voir. Point de photo pour le demontrer (mon appareil n'a quasiment pas quitte le sac a dos), et point de vaine description ecrite. La Paz se vit, et ne se raconte pas! J'y passe des journees entieres, d'ailleurs, errant au hasard des rues et des marches. Mes soirees, je les consacre a ma lecon quotidienne: le visionnage de films occidentaux sous-titres en espagnol, le ventre apaise par l'ingestion d'une ou deux brochettes de coeur de boeuf (les omnipresents anticuchos). Alors en conclusion, permettez-moi de substituer d'autres qualificatifs a ceux utilises un peu plus haut: La Paz la remuante, La Paz l'anarchique, La Paz la captivante.

Je reussis cependant a m'arracher a deux reprises a ce merveilleux capharnaum pour visiter des alentours ne manquant  a priori pas non plus d'interet. Il me tient effectivement a coeur de parcourir a VTT la fameuse "route la plus dangereuse du monde" dont on m'a tant rabache les oreilles. 72 km de descente (30 sur asphalte et 42 sur piste), 3'400 metres de denivele (de 4'632 a 1'200 m d'altitude). Precipice et exiguite garantis. Freins a disque conseilles ;-). Au final, cette agreable escapade dans la vegetation luxuriante des Yungas me laissera tout de meme sur ma faim, la faute a un groupe trop sage et peu causant, ainsi qu'a la timidite des sensations eprouvees. Respect tout de meme aux camionneurs qui l'affrontent chaque jour (si ca rigole en deux-roues, c'est tout de suite beaucoup moins le cas avec un semi-remorque) et hommage a ceux qui y ont laisse leur peau.

Pour ma deuxieme sortie, la visite de la Cite du Soleil apparait comme une evidence. Situee a quelque 70 km de La Paz, elle represente le principal vestige archeologique de la civilisation Tiwanaku et comporte de nombreuses ruines d'edifices a vocation ceremonielle ou astronomique, au nombre desquelles on compte le temple de Kalasasaya, la pyramide d'Akapana ou encore la fameuse Porte du Soleil. L'origine de cette brillante civilisation se perd dans les millenaires, et si l'on situe generalement son epoque formative au 10e siecle avant JC, certaines recherches tendent à demontrer que la fondation de la Cite du Soleil daterait en fait du 15e... millenaire avant JC! Ces analyses se basent notamment sur la presence de sortes de quais se trouvant a une distance du Titicaca qui ferait remonter leur construction a l'epoque ou les berges du lac cotoyaient encore la cite. Cette theorie serait de plus confirmee par des dessins et gravures d'animaux dont l'espece aurait disparu a la fin du pleistocene, c'est-a-dire vers 12'000 ans avant JC. L'ancienne presence du lac, enfin, expliquerait aussi comment des monolithes dont certains pesent plus de 100 tonnes auraient ete transportes sur des distances aussi considerables (les carrieres etant situees entre 100 et 300 km de distance de la cite), a une epoque ou les mysterieux batisseurs ne disposaient pas de betes de traits, et ne connaissaient ni la roue, ni le fer. Le mythe rejoint d'ailleurs cette potentielle realite, les Aymaras eux-memes pretendant que la cite etait celle des premiers hommes de la Terre et qu'elle avait ete creee par le Dieu Viracocha, avant meme la naissance du soleil et des etoiles. Alors, la Cite du Soleil, plus vieille ville du monde?

Je vous laisse ruminer cette question existencielle pendant que je vous resume en quelques lignes la suite de mes aventures boliviennes (le cafe ferme bientot et je tiens a mettre le chapitre en ligne!).

Bien decide a mettre mon equipement de montagne a forte contribution, je pars a la recherche d'une carte topographique des Yungas, en vue de me lancer en solitaire dans le repute difficile trek du meme nom. Apres plusieurs heures de vaines investigations, c'est un peu par hasard que je tombe sur Juan Carlos, un guide professionnel local me faisant part de son intention d'explorer un nouvel itineraire dans une region montagneuse encore vierge de tout tourisme. Motive comme jamais, je rejoins ainsi la petite equipe composee de Juan Carlos (49 ans au compteur, et mine d'informations inepuisable sur son pays), Rolando (un universitaire ami de JC), Felix (un sexagenaire a qui on ne la raconte pas!)... et Isabel, arrivee a La Paz la veille du grand depart, et que je n'ai pas eu trop de peine a convaincre de grossir nos rangs. Cinq jours durant lesquels nous passerons par des etats d'ame tres contrastes, entre l'exaltation a la vision de paysages veritablement grandioses et la frustration vis-a-vis de l'abandon de l'objectif que nous nous etions fixes (le mauvais temps et l'absence totale de balisage nous obligeant a rebrousser chemin). 

Convaincu par cette belle experience, je renouvelle mon "partenariat" avec Juan Carlos pour une viree de huit jours dans le centre-sud du pays: Potosi et ses mines (et l'adorable Esperanza, une vieille connaissance de Juan Carlos qui nous accueille pour la nuit), Sucre et ses edifices baroques, l'arriere-pays et sa nature magnifique, et le Che, dont nous suivons presque involontairement les traces. L'occasion d'approfondir, sur les conseils experts de mon guide, ma connaissance de la gastronomie bolivienne, dont je retiendrai surtout les soupes aussi variees que succulentes. De beaux moments, mais aussi quelques bemols: la place finalement reduite accordee a la randonnee (une journee et demie) et la degradation progressive de ma relation avec Juan Carlos (a la personnalite tres ambivalente).

La Bolivie, elle, ne m'aura pas decu, bien au contraire. Et si le temps me manque pour vous signifier a quel point ce pays m'aura positivement marque, vous pouvez me croire sur parole! :-)

P.S. Adieu Cambodge. Je t'ai aime. Beaucoup. Passionement, meme. Les ruines somptueuses de l'eblouissante civilisation khmere, dont j'avais deja eu un apercu en Thailande et au sud Laos, m'ont laisse muet d'admiration. Tes habitants, qui portent en eux les traces indelebiles d'une tragedie recente et effroyable, m'ont enthousiasme. Demain, je te quitte pour le Vietnam, l'un de tes rivaux historiques. Mais je ne t'oublierai pas. Jamais!

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30 juin 2007

2.b. Les sept nouvelles merveilles du Monde

Mise en ligne du message: sa 30 juin 2007, 20h20

Vous ne le savez peut-etre pas, mais en ce moment-meme se joue l'election des "sept nouvelles merveilles du monde". C'est en visitant le site archeologique maya de Chichen Itza, au Mexique, que j'ai eu vent de cette excitante initiative. Je me suis alors amuse, sans avoir vu la liste officielle des candidats (et meme sans savoir qu'une telle liste existait), a determiner mes favoris:

  • Machu Picchu (Perou, Amerique du Sud)
  • Chichen Itza (Mexique, Amerique du Nord)
  • Moais (Ile de Paques, Oceanie)
  • Temples d'Angkor (Cambodge, Asie)
  • Taj Mahal (Inde, Asie)
  • Grande Muraille (Chine, Asie)
  • Temples d'Abou-Simbel (Egypte, Afrique)
  • Alhambra (Espagne, Europe)

A noter que les cinq premiers cites ont ete ou seront au programme de mon tour du monde!

Pour l'Afrique, etant donne que les Pyramides de Gizeh sont la seule "ancienne" Merveille encore intacte, celles-ci me paraissaient forcement hors-concours (ce qui s'est confirme par la suite). Mais la civilisation egyptienne, a mon avis sans concurrence en Afrique, nous a legue d'autres tresors, dont les temples d'Abou-Simbel font assurement partie.

En ce qui concerne l'Europe, le choix m'a paru particulierement ardu. J'ai pense a l'Alhambra de Grenade, au Chateau de Versailles, au Colisee de Rome, a l'Acropole d'Athenes, a Venise, a Stonehenge et a bien d'autres, aucun d'entre eux ne s'extirpant naturellement et indeniablement du lot. L'Alhambra, que j'ai eu l'occasion de visiter il y a quelques annees, a finalement recu mon suffrage.

Mais la volonte de satisfaire tous les continents (et mon impossibilite a retrancher l'un des trois sites asiatiques) portait mon total a huit! Une situation qui vient cependant de se resoudre, puisque je constate a l'instant que les temples d'Abou-Simbel ne font malheureusement pas partie des vingt candidats officiels (c'est par contre le cas de mes sept autres favoris, pas mal non?), ce qui n'en a pas moins l'avantage de simplifier mon vote. Eh oui, car les sept nouvelles merveilles du monde sont l'enjeu d'un vote populaire, dont les resultats seront devoiles... le 07.07.07. A vos claviers!

Pour en savoir plus et pour voter:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_nouvelles_merveilles_du_monde
http://www.new7wonders.com/index.php?id=315&L=6

P.S. Message poste du Cambodge, ou je suis arrive hier, apres un Laos m'ayant apporte de nombreuses satisfactions, et dont le calme et la lenteur ont fortement tranche avec les peripeties de mes derniers jours dans le pays. Sans sensationnalisme malvenu, je n'ai pas ete loin de ne jamais plus pouvoir faire la mise a jour de mon blog... J'en parlerai avec force details le moment venu, mais pour resumer, j'ai glisse et suis tombe dans une riviere dont je n'ai pu m'extirper miraculeusement qu'a un metre seulement de sa chute verticale de, elle, plusieurs dizaines de metres. J'ai encore du mal a realiser ce qui m'est arrive, ou surtout ce qui aurait pu m'arriver! Deux jours plus tard, je tombais lourdement a scooter suite a un freinage d'urgence sur route detrempee, a cause d'un local ayant eu l'excellente idee de depasser un tracteur dans un virage sans visibilite. Une semaine riche en sensations fortes (c'est le moins qu'on puisse dire)... et en ecorchures diverses! Voila voila, a part ca tout va bien! Je vous ecrirai plus longuement depuis Phnom Penh, apres mon incursion dans l'est sauvage et montagneux du pays. :-)

31 mai 2007

2.a. Présentation du pays

Mise en ligne du message: je 31 mai 2007, 21h15

Ce qui differencie au premier coup d'oeil la Bolivie du Perou, d'un point de vue geographique, c'est l'absence d'acces a la mer, une particularite que le pays ne partage qu'avec le Paraguay sur l'ensemble des deux Ameriques. On y retrouve par contre l'altiplano ("plaine d'altitude", partagé aussi avec le Chili et l'Argentine, mais dont la majeure partie se trouve en Bolivie), la sierra (deux cordilleres andines d'orientation nord-sud et bordant le haut plateau susnomme) et la selva, a l'est, en partie defrichee dans la partie meridionale du pays. Le fameux lac Titicaca fait egalement le lien entre les deux pays.

bolivia

Si la superficie de la Bolivie est aussi comparable a celle du Perou (1'098'581 km²), sa population totale est quant a elle trois fois inferieure: 9.5 millions d'habitants, soit une densite moyenne de 8 habitants au km² (dois-je vous rappeler que celle de la Suisse atteint 178, malgre les Alpes?).

L'histoire permet a son tour de tracer des paralleles forts entre les deux voisins andins. Les grandes civilisations qui s'y sont succedees ont souvent etendu leur influence sur tout ou partie des territoires actuels, que ce soit la culture Chavin (au premier millénaire avant notre ere), la culture Tiwanaku (qui disparait vers 1200 apres Jesus-Christ) ou bien evidemment les Incas, qui annexent vers 1450 la Bolivie d'aujourd'hui. L'arrivée des Espagnols scellera le sort de la région jusqu'en 1825, date a laquelle ce que ces derniers nommerent un temps le Haut-Perou devint la Bolivie, en hommage a son liberateur Simon Bolivar.

A l'heure actuelle, la Bolivie est une republique parlementaire dirigee par Evo Morales, premier amerindien accedant a la fonction de president, et tres a gauche sur l'echiquier politique (il est proche du Venezuelien Hugo Chavez et du Cubain Fidel Castro). Il faut savoir que la Bolivie compte environ 55% d'amerindiens (Quechuas et Aymaras), 30% de metis et 15% de blancs d'origine europeenne, ce qui en fait le pays d'Amerique latine le plus proche de ses racines (devant le Pérou et ses 45% d'amerindiens). Au niveau interne, Evo Morales et son parti le MAS doivent faire face aux velleites d'autonomie de la province de Santa Cruz, centre economico-industriel du pays aux mains de la minorite blanche, en meme temps qu'aux revendications sociales des plus defavorises, qui ont largement contribué à sa triomphale élection. Au niveau exterieur, le gouvernement doit notamment gerer les tensions et differends nes de la nationalisation de ses ressources naturelles (la Bolivie est le deuxieme producteur de gaz naturel d'Amérique latine derriere le Venezuela), en particulier avec le Brésil.

Un sol riche, donc, mais une pauvreté endemique qui en fait le pays le plus defavorise d'Amérique (avec Haiti): 70% de la population vit en-dessous du seuil de pauvrete et 40% dans l'extreme pauvrete. Les trois quarts de la population rurale n’ont pas acces à l’eau potable, ce qui est egalement le cas d'un quart de la population urbaine. Et la mortalité juvenile est particulierement elevee: 126 pour mille, ce qui signifie que plus d'un petit Bolivien sur dix meurt avant d'avoir fete son cinquieme anniversaire. Quant a l'esperance de vie, elle y est en moyenne de 16 ans inferieure a celle de la Suisse (64.5 contre 80.5).

Beaucoup de chiffres, mais qui valent parfois mieux que de longs discours. L'ideal, evidemment, est de verifier tout ca de ses propres yeux. En route!

P.S. Ouf. Quatre messages et deux albums d'un coup, j'espere que vous appreciez l'effort ;-). D'autant plus que profitant d'une bonne connexion (et d'une vingtaine d'heures a tuer), j'ai deja compresse et uploade pres d'un millier (!) de photos supplementaires (jusqu'au Myanmar y compris), dont la mise en ligne ne depend donc "plus que" de ma capacite a leur adjoindre un commentaire. On y croit!

31 mai 2007

1.l. El lago Titicaca

Mise en ligne du message: je 31 mai 2007, 21h10
Mise en ligne de l'album 1.12: je 31 mai 2007, 21h10


Il y a fort longtemps existait une vallee fertile, protegee par les Apus, dieux des montagnes. Aux hommes qui la peuplaient, vivant heureux et paisibles, ceux-ci n'interdisaient qu'une chose: l'acces a la cime des montagnes, la ou brulait le Feu Sacre. Pendant longtemps, les hommes ne penserent meme pas a enfreindre cet ordre divin. Mais le diable, esprit malin et vicieux, jeta la discorde en exhortant les hommes a prouver leur courage. Les fiers indiens partirent ainsi a la conquete des sommets interdits, mais furent surpris par les Apus. Par milliers, des pumas jaillirent alors des cavernes et se jeterent sur les hommes, dont les suppliques au diable resterent vaines et sans effet.

A la vue de ce triste spectacle, Inti, le dieu du Soleil, eclata en sanglots. Ses larmes étaient si abondantes qu'en quarante jours elles inonderent la vallee. Un homme et une femme seulement en rechapperent, sur une frele barque en jonc. Quand le Soleil brilla a nouveau, l'homme et la femme n'en croyaient pas leurs yeux : ils se trouvaient au milieu d'un lac immense, dans lequel s'etaient noyes les pumas transformes en statues de pierre.

Ils appelerent alors le lac Titicaca, le lac des "pumas de pierre".


Le lac Titicaca est un lieu sacre, et les mythes et legendes qui l'entourent sont legion. Il se dit par ailleurs que les premiers Incas, Manco Capac et son epouse Mama Ocllo, fils des dieux Inti (soleil) et Pachamama (terre), auraient surgi de ses eaux afin de civiliser le genre humain. Un baton d'or à la main, le couple fondateur chercha un lieu fertile ou celui-ci s'enfoncerait aisement dans le sol. Ainsi serait nee Cusco, vers l'an 1200.

Et c'est depuis Cusco, justement, que j'arrive en train jusqu'aux abords de cette immense etendue d'eau, grande comme quinze fois le Leman. Me voila donc a Puno, principale ville cotiere du lac, ou je suis bientot rejoint par Xiomara, niece de ma mama peruana a Arequipa, profitant de la proximite des deux villes pour visiter les alentours en ma compagnie. En fait d'alentours, notre choix se porte sur l'ile d'Amantani, reputee moins touristique que ses consoeurs Taquile, et surtout Uros. Nous n'echapperons malheureusement pas a ces dernieres, aussi appelees iles flottantes, situees a mi-chemin d'Amantani. Je dis bien malheureusement, car le tourisme de masse, dont nous devenons les complices involontaires, a transforme un mode de vie ancestral et unique en une veritable foire commerciale. A tel point que je me contenterai du copier-coller d'un texte trouve au hasard (et tres bien ecrit au demeurant) pour vous informer du pourquoi du comment:

Apres un trajet d’une demi-heure sur les eaux calmes du lac, les premieres iles commencent a se dessiner a l'horizon. Ce sont des sortes d'ilots artificiels, constitues a partir de plantes lacustres tres resistantes, appelees "totora". Celles-ci sont fermement enchevetrees les unes dans les autres pour former des surfaces planes et etanches sur lesquelles sont construites toutes sortes de petites huttes, de ce meme roseau, pour abriter les membres de la tribu Uros. Au treizieme siecle, l'ingeniosite et le desir de s'isoler et de se proteger des Incas, la tribu rivale a l'epoque, auraient conduit les Uros a cueillir les roseaux tapissant les hauts-fonds du lac, afin de s'amenager des plateformes flottantes sur lesquelles ils etablirent demeure. Meme si aujourd'hui, la race des Uros s'est pratiquement eteinte, les autochtones, issus d'un metissage d'Aymaras, de Quechuas et d'Uros, continuent cependant de perpetrer la fabrication traditionnelle des iles en superposant les "totoras", ajoutant regulierement de nouvelles couches au-dessus pour remplacer celles qui pourrissent au fond.

Source: http://www.participez.com/reportage.php?id=8

En milieu de matinee, nous debarquons enfin sur l'ile d'Amantani, ou nous sommes comme il se doit accueillis par les locaux. Car il n'y a pas d'hotel sur ce bout de terre de 9 km2, les familles du village mettant couche et repas a disposition des visiteurs, contre un maigre pecule. Il n'y a pas non plus de voitures, et c'est donc un plaisir tranquille de se prelasser sur les galets faisant office de plage, ou de rejoindre a pied l'une des deux collines surplombant le lac, et surmontees de ruines Inca et Tiahuanacu. Mais le lendemain arrive deja, et avec lui le temps pour Xiomara et moi de rejoindre la cote et de nous dire au revoir.

Direction la Bolivie, pour un pays que j'espere aussi riche en surprises et en satisfactions qu'a pu globalement l'etre mon sejour chez son formidable voisin, et qui m'inspire tout simplement les mots suivants: C'est l'Perou!* :-)

*A noter que cette expression est nee de la reputation d'extreme richesse du pays apres la conquete espagnole, les centaines de tonnes d'or et d'argent extraites des mines peruviennes et envoyees en Europe marquant alors l'imaginaire collectif. Malgre la realite actuelle, "C'est le Pérou" est encore utilise en parlant d'une grande fortune ou de quelque chose d'inattendu et de grand intérêt. Aujourd'hui, les plus jeunes d'entre nous diraient plutot: "graaave bien" ou "ca poutre!". ;-)

31 mai 2007

1.k. Cusco & Machu Picchu

Mise en ligne du message: je 31 mai 2007, 21h05
Mise en ligne de l'album 1.11: je 31 mai 2007, 21h05

Il fallait bien qu'une fausse note vienne un jour troubler le concert de louanges que je vous fais du Pérou. Ce moment est arrive, et c'est Cusco, ex-capitale inca et lieu mythique s'il en est, qui a paradoxalement le triste honneur d'essuyer les platres...

La ville avait pourtant tout pour me plaire, de par son histoire et sa situation geographique hors du commun: car perchee dans les Andes peruviennes, au confluent mythologique des mondes souterrain, visible et superieur de ses ancetres, celle dont le nom quechua signifie "nombril du monde" garde en ses murs de nombreuses traces de son glorieux passe, malgre les destructions ayant accompagne l'arrivee des Espagnols en 1534.

C'est d'ailleurs une Plaza de Armas encore deserte et baignee dans la magnifique lumiere du petit jour qui recueille mes premieres impressions, forcement positives, en ce matin du 6 novembre. Les colporteurs et vendeurs en tous genres etaient encore couches... Cela n'allait effectivement pas durer, car quelques heures plus tard, apres avoir pris mes quartiers dans une modeste auberge (El Mirador del Inca, joli nom n'est-ce pas?) conseillee par Angel, me voila assailli de toutes parts: souvenirs, bibelots, visites guidees de la ville, tarot, massages des pieds, propositions d'excursions, taxis, restaurants en tous genres et j'en passe. Parlons-on, des restaurants: impossible ou presque de mettre le grappin sur un etablissement proposant de la nourriture du pays, au milieu de toutes ces gastronomies occidentales (je finirai finalement par trouver la perle rare). Quelques petites vieilles rabougries, descendues de leur montagne en costume traditionnel, font de l'oeil aux photographes, agrippees a un lama fourbu. Je ne peux m'empecher d'imaginer ironiquement l'armailli, de bredzon vetu, exhibant sa Marguerite toute chenayee sur la place Georges-Python de Fribourg, en quete de quelques pieces. Une analogie pas aussi absurde qu'il y parait, en fait, Cusco etant un peu la Gruyeres peruvienne: une carte postale sans ame, une enveloppe vide.

Vous me trouverez sans doute bien severe (surtout les Grueriens :-p), et certaines circonstances exterieures ont peut-etre radicalise mon jugement. Le fait de me retrouver soudainement seul apres ces nombreuses semaines "en famille"? Possible. Il se peut aussi que la meteo ait negativement influe sur ma perception de l'endroit, car le soleil a vite fait place a une pluie tenace et de plus en nourrie, ce qui n'a pas manque de bousculer mes projets de balade a velo dans la Vallee Sacree toute proche. Quitte a finir mouille, j'ai alors opte pour une journee de rafting (activite reputee dans la region), mais celle-ci est egalement tombee a l'eau (...). Du coup, apres quelques timides visites de la ville et du musee local (tres interessant, ne crachons pas non plus dans la soupe), j'ai rapidement reporte mes espoirs sur la randonnee de cinq jours en direction du Machu Picchu. 

Mon choix s'est arrete sur le trek denomme Salkantay, une variante encore peu courue du fameux Chemin de l'Inca (ou Inca Trail en anglais). Troncon mythique de l'immense reseau de communication que les Incas avaient etabli dans tout l'Empire, ce dernier est effectivement l'objet d'un commerce un peu trop juteux a mon gout, malgre les restrictions mises en place depuis quelques annees. Oubliez vos projets de partir en aventurier a la decouverte de la citadelle perdue, tel Esteban a la recherche des Cites d'Or (clin d'oeil aux trentenaires)! L'acces au Chemin de l'Inca ne pouvant desormais se faire que par le biais d'agences autorisees, il vous faudra sagement suivre le guide, apres vous etre deleste des 300 a 400 dollars vous donnant le droit d'en disposer. Tout ca pour dormir parmi plusieurs dizaines d'autres (riches) touristes occidentaux, et terminer votre periple au milieu d'une interminable file indienne. Aaah Corinne et Marc, je vous envie parfois d'avoir decouvert le Monde (ou du moins le Perou ;-)) quinze ans avant moi!

La variante Salkantay, du nom de la montagne qui domine la region visitee, privilegie la nature a la culture, la jungle d'altitude remplacant en grande partie les complexes archeologiques jonchant le parcours originel. Plus longue, et culminant a 4'650 metres, elle est aussi reputee physiquement plus coriace. Et a ce niveau-la, certains n'allaient pas etre decus...

Des le depart (reporte d'un jour en raison d'un eboulement, soi-disant), l'organisation sent carrement le roussi: ce n'est qu'a 6h00, avec un bon tour d'horloge de retard, qu'on vient me chercher a mon auberge pour me presenter a mes compagnons de fortune: une cohorte de dix (!) Catalans, alors qu'on m'avait promis une limitation a six touristes. Les Espagnols ne sont pas forcement ravis de me voir non plus (ni la Neerlandaise qui grossira encore nos rangs), persuades qu'ils etaient de pouvoir rester tranquillement entre eux (il s'agit d'un groupe de volontaires travaillant a Cusco pour le compte d'une organisation iberique). Histoire de saler un peu plus l'addition, j'apprends en route que l'excursion ne durerait que quatre jours au lieu des cinq initialement prevus, a la demande de Catalans presses par leurs obligations professionnelles. Aie. M'enfin, le moment des doleances viendrait bien assez tot, et decision personnelle est prise de ne pas gacher mon trek pour si peu, d'autant plus que notre guide me semble sympathique et que la bonne humeur s'installe rapidement au sein de l'equipe.

Sympa le guide, certes, mais un peu ole-ole, comme on dit. Car il faut faire preuve d'une certaine autorite, avec une escouade pareille! Deja que le bus a ete passablement retarde par le piteux etat de la route, et qu'il nous a fallu pres de deux plombes pour diner. A la pensee que le raccourcissement du trek fait de cette premiere journee la plus ardue, avec de nombreuses heures de marche a la cle et surtout le passage du col a 4'650 metres d'altitude, je peux sentir les problemes venir a plein nez... Je me souviens aussi de ces fameuses probabilites, qui ont sauve mon bac' de math' (benies soient-elles): en supposant que 20% de la population moyenne souffre du mal d'altitude, 10% de gelures aux extremites des zero degre Celsius et 15% de difficultes respiratoires apres quatre heures de marche, quelle est la probabilite de rencontrer l'un ou plusieurs de ces problemes dans une expedition composee d'une majorite d'Espagnols peu sportifs et vivant dans un climat mediterraneen au niveau de la mer ;-)?

Il serait pourtant injuste de m'acharner sur ces pauvres Catalans, qui font preuve d'une rare bonne volonte, voire d'un courage exemplaire. Car apres quatre heures d'effort (pour les plus lents) entre 3'000 et 4'650 metres d'altitude, par une temperature frolant les valeurs negatives, il nous faut faire face a bien pire: la grele d'abord, puis la pluie, la boue, quatre autres heures durant, dans une obscurite totale a peine mise a mal par nos faiblardes lampes frontales. De l'eau par trombes, tombant du ciel a grosses cordes, ruisselant de partout, inondant jusqu'a nos chevilles, transformant le moindre ruisseau en torrent dechaine. Des torrents le plus souvent traverses a l'aide de passerelles improvisees, moments durant lesquels je prefere ne pas penser a la consequence du moindre faux pas. Des conditions telles que meme nos guides semblent parfois perdus, au propre comme au figure, ce qui ne manque pas d'echauffer quelques-uns de mes collegues deja au bord de la crise de nerf. A 22h30, nous arrivons finalement a destination et trouvons refuge dans la minuscule cahutte d'un berger, une couche aqueuse de 10 cm empechant l'installation des tentes. J'observe avec etonnement et un certain amusement mes compagnons se debarrasser de leurs couches successives, aussi trempees les unes que les autres, malgre vestes et pantalons de pluie. C'est la que je me felicite d'avoir investi dans du materiel de qualite et que je remercie une fois de plus (interieurement) mes amis pour la belle et surtout efficace veste qu'ils m'ont offert avant mon depart :-). Testee et approuvee!

Le deuxieme jour, apres un interminable debat sur le bien-fonde de cette aventure auquel j'assiste presque en spectateur, nous allons finalement de l'avant, motives par une meteo plus clemente, une brume persistante ayant remplace les pluies diluviennes de la veille. L'occasion pour moi d'apprecier a sa pleine mesure le formidable environnement que nous offre cette jungle d'altitude, aide par les explications passionnantes de l'aide-cuisinier qui nous accompagne. C'est ainsi que je touche, hume, goute et teste toutes ces plantes bien connues des locaux pour leurs proprietes gustatives et/ou curatives, et que je surprends plus souvent qu'a mon tour l'etonnante faune qui habite ces lieux. Un bonheur n'arrivant jamais seul, le soleil vient meme nous titiller de ses chaleureux rayons, que certains mettent a profit durant la pause-diner pour faire secher leurs vetements de la veille. Le bonheur ne durant jamais eternellement, la pluie fait a nouveau des siennes en fin de journee (mais de facon plus moderee), la frequence et la duree prolongee de nos haltes nous obligeant qui plus est a y faire face de nuit, une fois de plus!

En comparaison de ces deux premieres journees physiquement eprouvantes, la troisieme s'avere etre une vraie promenade de sante: trajet en bonne partie motorise (a part les deux dernieres heures et demie, pour ceux n'ayant pas cede a la tentation du train), bains thermaux, festin concocte par notre incroyable maitre-queue, et nuit en hotel. De quoi se remettre d'aplomb avant la quatrieme journee!

Une derniere journee dont l'echauffement consiste, pour ceux qui le souhaitent (car des bus font la navette entre Agua Calientes et le Machu Picchu), a gravir a l'aube les hautes marches de pierre menant au site inca. 31 minutes de souffrance, en ce qui me concerne, puisque j'ai la bete idee de relever le defi du guide d'en mettre moins de 40 a rejoindre le sommet (il en faudra 46 au second :-p)! Une course frenetique qui contraste avec la serenite presque religieuse avec laquelle je penetre dans la cite sacree, encore noyee dans la penombre et le brouillard matinal. Je quitte alors mon groupe pour me poster en contrehaut de la citadelle, dont le role et le fonctionnement exacts restent encore sujets a de nombreuses interrogations. Construite au milieu du 15e siecle, elle aurait vraisemblablement ete abandonnee avant l'arrivee des Espagnols. Sa redecouverte, en 1911, mettra rapidement sa richesse architecturale et sa situation geographique unique, entre ciel et terre, au pantheon des plus beaux paysages crees par la nature et modeles par l'Homme.

C'est ce que j'allais bientot pouvoir constater de mes propres yeux, les epais volutes blancs se dissipant peu a peu et laissant progressivement apparaitre ce chef d'oeuvre de l'Homme et de la nature reunis, dans une atmosphere quasi surnaturelle. Encore une journee a marquer d'une pierre blanche...

Je passerai outre les ultimes peripeties de notre escapade (ratage du train a Agua Calientes, negociations avec la compagnie locale, arrivee tardive a Cusco, remboursement partiel par l'agence, etc.) pour garder le meilleur de cette expedition exigeante, et meme risquee, mais aussi pourvoyeuse d'emotions carabinees. A commencer par les forts liens de solidarite voire d'amitie que j'ai tisses avec ces Espagnols au grand coeur, chez qui j'ai d'ailleurs passe une grande partie de ma derniere journee a Cusco.

P.S. La photo ci-dessous n'est pas de moi (et pour cause!), mais comme elle est particulierement representative de l'exceptionnelle situation geographique du site, je vous la mets en bonus:

machupicchu

P.S. Toujours la, vous? He be, vous n'etes pas rancuniers! Pfiou, ca va etre difficile de vous resumer ces deux derniers mois dans un simple post scriptum, mais sachez que ce n'etait quasiment que du bonheur: New York m'a bluffe, San Francisco m'a ravi, bon... Hongkong et Bangkok ne m'ont pas exactement enchante, mais le Myanmar... aaah le Myanmar, il faut vraiment que je vous raconte ca avant mon retour (c'est ca, ricanez)! Et la Thailande, aussi, puisque je me trouve actuellement dans le centre-est du pays, grandement epargne par le tourisme. Je me suis extirpe il y a peu du domicile d'Alexandre, une vieille connaissance installee a Korat, chez qui je me suis incruste deux semaines (le pauvre :-p), et viens d'obtenir mon visa laotien en vue de mon prochain passage de frontiere (demain normalement). Tout ca pour vous dire qu'afin d'accelerer les choses, je ne vais desormais poster qu'un message par pays visite, en plus de la presentation generale a laquelle je tiens (celle de la Bolivie est deja faite, en plus). De toute maniere, j'ai renvoye mes guides et certaines notes personnelles en Suisse, et comme ma memoire flanche... Et puis bon, je ne suis pas dupe, hein: seules les photos vous interessent, je l'sais bien! ;-)

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31 mai 2007

1.j. Vole, petit gypaete!

Mise ligne du message: je 31 mai 2550... euh 2007, 21h00


Naissance du premier gypaete en liberte en Suisse depuis 122 ans

Un petit gypaete barbu est sorti de son oeuf fin mars au col de l'Ofen, dans les Grisons, au-dessus du Parc national. Cela n'etait plus arrive en Suisse depuis 122 ans. Deux autres couples de ces vautours couvent actuellement dans les Grisons et en Valais.

Les ornithologues ont observe les parents en train de nourrir leur petit, mais pas le bebe lui-meme, a indique Chasper Buchli, de la fondation Pro gypaete barbu qui confirmait une information des "24 heures" et de la "Tribune de Geneve".

Le petit rapace a probablement pointe le bout de son bec entre le 20 et le 25 mars, selon M. Buchli. Il faut remonter a l'annee 1885 pour trouver la derniere reproduction de gypaete en liberte en Suisse, plus precisement a Vrin dans les Grisons. Le grand rapace a par la suite ete extermine par l'homme, pour etre reintroduit a partir de 1986. Quelque 140 oiseaux nes en captivite ont ete relaches depuis dans les Alpes, et on denombre une trentaine de naissances en liberte.

Le gypaete barbu est le plus grand oiseau d'Europe. Ses ailes peuvent atteindre une envergure de trois metres. Il se nourrit principalement d'ossements d'animaux morts et peut vivre jusqu'a 45 ans. L'incubation des oeufs dure entre 55 et 60 jours. Une fois hors de la coquille, le petit reste environ quatre mois dans le nid avant de prendre son envol.

Source: © AFP


Les amoureux de la nature ont peu de raisons de se rejouir par les temps qui courent, mais voila une nouvelle qui leur rechauffera le coeur. C'est du moins mon cas, d'autant plus que l'actualite de ce splendide vautour me passionne depuis qu'un camion pedagogique du WWF est passe par l'ecole de mon village, quand j'avais 11 ans. J'en ai affiche le poster au-dessus de mon lit pendant des annees, et me suis indigne lorsqu'un braconnier imbecile a abattu "Republic V" en 1997 en Valais. L'observation dans son environnement naturel de l'un de ces remarquables volatiles reste l'un de mes reves de randonneur. Que le vent te porte, petit gypaete!

gypaete02

Pour en savoir plus sur la bete: http://www.oiseau-libre.net/Oiseaux/Especes/Gypaete_Barbu.html

21 mars 2007

1.i. Cañon del Colca

Mise en ligne du message: me 21 mars 2007, 21h10
Mise en ligne de l'album 1.10: me 21 mars 2007, 21h10

Après la fantastique mais trop courte expérience du parque Huascarán, il me tardait de repartir à la découverte des nombreux trésors naturels que comptent le Pérou, et dont le Cañon del Colca semblait bien faire partie. Vanté comme le deuxième canyon le plus profond de la planète (son voisin le Cotahuasi décrochant la palme), sa profondeur maximale atteint 3'269 mètres, soit plus de deux fois celle de son célèbre cousin américain le Grand Canyon, dont la verticalité reste toutefois ici inégalée.

Devant l'impossibilité d'en trouver une carte un tant soit peu détaillée, et au vu des avertissements conjoints de ma famille d'accueil, de différents tours opérateurs locaux et de mon guide papier ("c'est très dangereux", "on peut s'y perdre", "certains touristes ont été détroussés"), je me résous à contre-coeur à passer par le biais d'une agence. Le tarif est au moins doux: 155 soles (soit 62 francs suisses) pour le guide, le transport, les repas et deux nuitées sous hutte dans le canyon, auxquels il faut ajouter les 35 soles du boleto turistico (eh oui, même les sites naturels se paient au Pérou).

C'est à l'aube du samedi 28 octobre que je découvre mes compagnons de randonnée: Angel le Madrilain, Cindy la Néerlandaise, Michael l'Irlandais, ainsi que Nuria et Roberto, un couple de Barcelonais. Autant d'Européens accompagnés par Geraldin (eh oui soeurette) et Victor, nos deux jeunes guides péruviens, pour une majorité d'hispanophones (Catalans inclus... chuut!) qui n'est pas pour me déplaire.

Quatre heures de bus plus tard, nous atteignons la petite ville de Chivay, qui surplombe le canyon à une altitude de 3'633 mètres. Si le canyon ne revendique ici que le tiers environ de sa profondeur maximale, la cinquantaine de kilomètres nous séparant de Cabanaconde, 3'290 mètres d'altitude et terminus routier du jour, n'en est pas moins l'occasion d'admirer un paysage de toute beauté, magnifié par la présence particulièrement spectaculaire des andenes. De quoi regretter amèrement de ne pouvoir poser pied à terre...

Cette première déception est néanmoins vite balayée par le premier repas en commun qui nous attend à Cabanaconde, et qui nous permet surtout de briser la glace tout en prenant connaissance du programme des réjouissances: l'objectif du jour consiste à rejoindre le village de San Juan de Chuccho, situé de l'autre côté du rio Colca, à environ 3h30 de marche et 1'000 mètres de dénivelé négatif. Demain, il s'agira plus ou moins de longer le canyon vers l'aval de la rivière qui l'a creusé, pour parvenir en début d'après-midi à l'Oasis Paraíso, un lieu où, nous dit-on, il fera bon s'adonner au farniente. Tout ca pour faire passer la pilule du troisième jour, qui nous verra gravir dès 2h30 du matin les 1'200 mètres de dénivelé (positif cette fois!)nous séparant de Cabanaconde, dans le but de parvenir à la fameuse cruz del condor, un mirador fameux, aux heures matinales où le seigneur du canyon daigne généralement pointer le bout de son bec. Retour à Arequipa en fin d'après-midi.

C'est donc le sourire jusqu'aux oreilles et des étoiles pleins les yeux que nous partons, main dans la main, en chantant à tue-tête "Imagine" de John Lennon (comment ca j'en fais trop?!). Quoi qu'il en soit, cette randonnée ne sera à partir de ce moment-là qu'un long moment de bonheur: paysages magnifiques, météo clémente, guides compétents et adorables, organisation sans défaut, le tout baigné dans une ambiance de groupe excellente à tout point de vue. Le pied.

A tel point qu'à la veille du retour programmé à Cabanaconde, je me suis retrouvé devant un choix cornélien, partagé entre l'envie de prolonger en solo mon séjour dans ce lieu enchanteur et celle de finir l'aventure avec cette bien sympathique petite troupe. L'appel du canyon aura finalement été le plus fort, et c'est donc dans l'ascension du versant opposé à celui emprunté par mes compagnons que je me lance cette nuit-là, en direction d'un village et d'une cascade dont on m'a respectivement loué l'authenticité et la beauté. Une nuit d'encre, à l'obscurité uniquement troublée par les lumières dansantes de quelques lointaines lampes frontales, ainsi que par les flammes bien réelles des torches de quelques muletiers locaux un peu surpris de me croiser sur leur chemin.

Du promontoire jusqu'auquel je me suis hissé, je prends le temps de profiter du spectacle qu'offre le lever du soleil à mes yeux ébahis, chatouillant timidement les versants rocheux de ses premiers rayons rougeâtres, avant d'embraser le canyon tout entier. Je poursuis ensuite mon bonhomme de chemin en direction du village de Fure, situé dans une vallée transversale totalement préservée du tourisme organisé. Un indigène me confie d'ailleurs qu'il ne vient qu'un ou deux touristes par semaine dans cette localité dépourvue de téléphone et d'électricité, et vivant toujours au rythme des ancêtres qui l'ont fondée. Une moyenne mise à mal en ce lundi 30 octobre, puisque j'y rencontre un couple improvisé formé d'une Etats-Unienne et d'un Australien, ayant passé la nuit sur place. Les rejoignant à la modeste table faisant office d'auberge locale, j'avale goulûment le plat du jour composé de riz et d'oeufs brouillés.

[A suivre...]

P.S. Message péniblement posté de Mérida, capitale de la province du Yucatán. Péniblement, car je suis loin de me sentir en verve littéraire depuis quelque temps. Un état de fait qui n'est heureusement pas lié à mon moral, au beau fixe depuis mon très chouette séjour à San Cristóbal de las Casas. J'y ai notamment fait la connaissance de Meirav et Ido, un couple d'Israëliens avec qui j'ai passé le plus clair de mon temps, et vécu l'une des meilleures soirées de mon voyage (sans savoir si les deux tequilas avalées "cul sec" y sont pour quelque chose... :-p). Après une courte mais agréable étape à Palenque, histoire d'admirer le magnifique site archéologique du même nom, ainsi que dans la jungle voisine, je suis arrivé ce matin dans le Yucatán, où je visiterai dès demain les fameuses ruines de Chichén Itzá. Fin de l'aventure mexicaine, et latine-américaine par la même occasion! Je m'envole en effet vendredi depuis Cancún, direction New York, où je resterai finalement jusqu'au 31. Puis San Francisco jusqu'au 5 avril, et Hongkong du 6 au 10 avril, qui est aussi la date de mon arrivée à Bangkok. J'y resterai quelques jours, le temps d'obtenir ce précieux sésame qu'on appelle visa, avant de foncer vers la Birmanie/Myanmar. Vous avez bien compté, cela fait cinq avions en trois semaines. Que voulez-vous, on a les moyens de locomotion qu'on mérite... ;-) <-- plaisanterie totalement suffisante et dénuée de sensibilité écologique!

5 mars 2007

1.h. L'heure, c'est l'heure!

Mise en ligne du message: lu 5 mars 2007, 19h30


Le président péruvien, Alan Garcia, a lancé jeudi une vaste campagne baptisée "être à l'heure" visant à en finir avec l'absence de ponctualité, défaut particulièrement répandu parmi ses concitoyens. Quand un Péruvien en retard affirme être "en route" (en camino), dit-on à Lima, c'est qu'il vient de sortir de sa douche. La plupart des Péruviens arrivent en effet régulièrement en retard à leurs rendez-vous.

"Il faut en finir de cette coutume néfaste de n'être pas à l'heure", a plaidé Alan Garcia quelques secondes avant midi, heure prévue pour synchroniser les pendules et les montres du pays, en présence de la télévision d'Etat. Grand orateur, le président a bien failli être lui-même en retard en dépassant de quinze secondes l'heure prévue tandis qu'un conseiller lui faisait de grands signes en désignant sa montre. Estimant que le manque de ponctualité était "un manque de respect vis à vis d'autrui", M. Garcia a évalué son coût économique à plus d'un million et demi de dollars par an.

La campagne nationale a commencé le 1er mars, jour de la rentrée scolaire au Pérou, en présence des ministres et du maire de Lima. Chacun a réglé symboliquement sa montre sur l'"heure officielle" donnée par la marine de guerre.

En octobre 2003, l'Equateur voisin avait lancé une campagne similaire pour venir à bout de la fameuse "heure équatorienne" qui permettait d'arriver une, deux, voire trois heures en retard à ses rendez-vous.

Source: © AFP


Voilà une nouvelle qui m'a fait sourire, et dont je voulais vous faire part, puisque j'en suis toujours au Pérou. A ce propos, j'ai pris la résolution de mettre quatre nouveaux chapitres en ligne avant mon départ du Mexique, ce qui me laisse exactement deux semaines. En espérant que la réputation de ponctualité des Suisses ne sera, elle, pas mise en défaut! ;-)

Et pendant qu'on y est, vous trouverez ci-dessous de quoi illustrer le dernier commentaire d'Alexandre (cliquez sur la vignette). Un classique!

tintin

P.S. Je vous écris de Puebla, une jolie "petite" ville coloniale mexicaine (plus d'un million d'habitants tout de même, mais après la capitale, c'est presque la campagne!). J'ai retrouvé au Mexique une bonne partie de ce qui m'avait fait aimer le Pérou: une culture très typée, l'ambiance de la rue et des marchés, une gastronomie locale riche et variée (riche en calories, aussi, de quoi me faire rapidement reprendre les kilos perdus en Patagonie...), et les jus d'orange frais pressés pour bien commencer sa journée :-). Un vrai bonheur, malgré les problèmes d'argent (une arnaque dans laquelle j'ai perdu quelques billes) et les bobos de santé (une cheville toujours douloureuse)! J'ai donc dû me résigner à laisser tomber l'ascension d'un volcan local de 5'400 mètres d'altitude :-/. Sans trop de regrets cependant, car il y a beaucoup à voir et à faire ici au Mexique, même à cloche-pied, d'autant plus que les civilisations précolombiennes me fascinent littéralement! Et demain, concert de mon idole Roger Waters à Mexico :-). De quoi me consoler de rater le retour en Europe de Polnareff, après 34 ans d'absence...

A bientôt!

15 février 2007

1.g. Arequipa

Mise en ligne du message: je 15 février 2007, 17h30
Mise en ligne de l'album 1.09: je 15 février 2007, 17h30

Quitter Lima, et le confortable cocon que je m'y étais progressivement aménagé, n'a pas été facile, et ce n'est pas sans un pincement au coeur que je suis monté dans le bus pour Arequipa, en ce dimanche 22 octobre. Quelque mille kilomètres et 14 heures à revivre le film de ces trois premières semaines, certes, mais également à me réjouir de découvrir les autres facettes de cet étonnant pays.

Je n'arrivais pas en territoire totalement inconnu, il faut dire, Mario m'ayant chaleureusement recommandé auprès de son cousin Wilber. C'est donc avec un numéro de téléphone en poche que je débarque dans la "Ciudad Blanca" (tout le monde aura compris, non?), deuxième ville du Pérou avec son petit million d'habitants. Celle-ci n'a pourtant pas grand chose en commun avec sa grande soeur. Le climat, déjà, y est particulièrement clément: des températures diurnes ne descendant jamais en-dessous des 20º, malgré une altitude de 2'380 mètres, et un soleil brillant 360 jours par an, avec une moyenne annuelle des précipitations inférieure à 150 mm. Il faut dire qu'Arequipa se trouve dans le prolongement du désert chilien de l'Atacama, considéré comme le plus sec au monde. En ce qui concerne le contexte géographique, point d'océan, mais trois imposants volcans: le Misti (5'822 mètres d'altitude), cône parfait et icône locale, le Chachani (6'075 m) et le Pichu-Pichu (5'669 m). Les deux premiers cités ont d'ailleurs donné son surnom à Arequipa, en fournissant à ses fondateurs espagnols une pierre volcanique de couleur blanche, dénommée sillar. Et le résultat est somptueux, croyez-moi! A tel point que je n'ai pu réprimer un murmure d'admiration au moment de déboucher sur la Plaza de Armas, au premier jour de mon arrivée: sobriété et majesté, tels sont les maîtres-mots de l'architecture d'un centre historique plutôt reposant, d'ailleurs, loin de la frénésie de la capitale. Car si la voiture y reste omniprésente, Arequipa a malgré sa taille su préserver l'atmosphère d'une ville de moyenne envergure.

Mais je m'égare... J'empoigne un téléphone public, donc, et compose le numéro griffoné par Mario. Une voix de jeune fille me répond, et j'obtiens après quelques minutes de baragouinage en espanglais (...) ce qui ressemble de loin plus que de près à une adresse (à deux adresses, en fait, de quoi me laisser circonspect). Je hèle un taxi et lui montre victorieusement mon résultat, sans que cela ne semble éveiller en lui la moindre lueur de réminiscence. Le second taxi fait preuve de plus de professionalisme (ou d'imagination), et je me retrouve 10 minutes plus tard sur le seuil de la maison de la famille Carpio. Nilda, la maman, est là pour m'accueillir, ainsi que Rocío (un prénom que je mettrai plusieurs jours à comprendre *honte*), la jeune fille du téléphone, âgée de 17 ans. Hasard ou coïncidence, il se trouve que c'est à nouveau un jour d'anniversaire que j'ai choisi pour débarquer, celui du fils Jose (22 ans) en l'occurrence: l'occasion de connaître toute la famille d'un coup, pratique! C'est ainsi que je vois défiler le grand-père paternel, les cousins, les cousines et les tatas, tous plus ou moins curieux de savoir ce que cette grande gicle (eh oui, au Pérou, je dénote un peu) toute maigrelette (bis) peut bien faire ici. Je passe ainsi une première soirée assez incroyable, au centre de toutes les attentions, et cible régulière des plaisanteries de l'aïeul Don Jose, un fier Quechua bon pied bon oeil.

La maison n'est pas grande, et c'est sur un matelas posé à même le sol de la minuscule chambre de Jose que je passe ma première nuit, après une demi-heure de rudes négociations (et la menace de partir sur le champ, véridique!) pour que ce lit de fortune me revienne à moi plutôt qu'à lui. Après un réveil difficile (toute la famille se lève à 5h45 en semaine), je profite de ces heures matinales pour effectuer mes désormais quotidiennes lecons d'espagnol (merci Aude pour ton indispensable bouquin, qui a perdu un peu de sa fraîcheur ;-)). Un apprentissage plus utile que jamais, les connaissances réunies des membres de la famille dans la langue de Shakespeare étant comparables aux miennes dans celle de... Cervantes, c'est-à-dire tout à fait insuffisantes pour communiquer convenablement. Ce qui ne m'a pas empêché de passer une excellente matinée en compagnie de Carlos, neveu de Wilber, et de sa femme Jessica, avec au programme la visite motorisée des environs de la ville: Molino de Sabandía, Mansión del Fundador, Mirador de Sachaca, sans parler des andenes (terrasses agricoles) pré-incas caractéristiques de la région.

Mais point de répit: une deuxième soirée bien animée m'attend, puisque c'est au tour de Nilda de fêter son anniversaire, le même jour que sa soeur Carmen! La famille, au sens large du terme, a mis les petits plats dans les grands: cocktails (dont l'inévitable Pisco Sour), petits fours, barbecue, et un groupe de Mariachis un peu éméchés mais plutôt efficaces. Ambiance garantie, comme vous pouvez le constater sur les photos de l'album 1.09!

Le lendemain, je pars enfin à la découverte du vieux Arequipa, dont j'ai déjà fait les louanges, et de ce qui lui tient lieu de joyau: el Monasterio de Santa Catalina. Comme son nom ne l'indique pas, ce sont des religieuses que cette véritable ville dans la ville accueillit dès sa fondation en 1579, moins de 40 ans après l'arrivée des Espagnols. On attribue d'ailleurs à l'une d'entre elles, Soeur Ana de los Angeles Monteagudo, différentes prédictions et différents miracles. Béatifiée par Jean-Paul II en 1985, elle est toujours l'objet d'un culte bien vivace.

Les jours suivants passeront au rythme de mes visites de la ville et notamment de ses nombreuses églises (qui ont aussi valu à Arequipa le surnom de "Rome des Amériques") au bras de Susana (rencontrée dans l'avion Madrid-Lima, souvenez-vous), des petits plats concoctés par Nilda et sa soeur Nelba (chez qui j'ai également séjourné quelques jours), et des balades nocturnes dans la voiture familiale, le tout entrecoupé d'une magnifique excursion au célèbre Cañon del Colca (prochain chapitre). Autant dire que le temps passe vite, dans ces conditions-là, et que mon séjour sur place s'est rapidement prolongé au-delà des quelques jours initialement envisagés!

Je m'y sentais tellement bien, d'ailleurs, dans cette formidable famille d'accueil, que j'y reviendrai quelques semaines plus tard pour y passer la Navidad, après ma parenthèse bolivienne. Les adieux furent difficiles, malgré ma promesse sincère qu'ils ne seraient en aucun cas définitifs, et j'ai encore en tête l'image de mon autoproclamée mama peruana, un mouchoir à la main, essuyant discrètement quelques larmes au coin de ses yeux. Formidable, j'vous dis.

P.S. Message posté de Rio Gallegos (sud-est de l'Argentine), dans l'attente de mon bus pour Buenos Aires. Un trajet de 35 heures qui ne sera pas de trop pour me remettre de ce dernier mois plutôt sportif, dans des conditions climatiques oscillant entre le pire et le meilleur: bienvenue en Patagonie! Une Patagonie qui aura d'ailleurs eu raison de ma tente, de mes chaussures de marche (ou presque), de mes lunettes, et de ma cheville (qui a doublé de volume suite à une méchante entorse)! Mais pas de ma soif de découverte, il va sans dire, puisque c'est avec une impatience croissante que je fais le décompte des jours me séparant de mon arrivée en territoire mexicain, le 19 février prochain. Je vis ainsi les derniers moments de ce voyage sur le continent sud-américain. Il y en aura d'autres, c'est une certitude.

17 janvier 2007

1.f. Les quartiers spontanés

Mise en ligne du message: me 17 janvier 2007, 19h30
Mise en ligne de l'album 1.08: me 17 janvier 2007, 19h30

Samedi 7 octobre 2006. Je me lève péniblement vers 8h30, après quatre petites heures de sommeil. Il faut dire que la fête a battu son plein, hier, au Del Carajo! (album 1.05). Le départ du "Mirabus" est fixé à 9h30, pour trois heures assez longuettes de déambulations à travers la ville. Une piqûre de rappel de toutes les images emmagasinées depuis mon arrivée, en quelque sorte, où l'inédit se fait rare. Mais je suis loin de me douter de ce qui m'attend dans les heures à venir...

A mon retour chez Ursula, je retrouve Jessica en compagnie de Mario, un ami travaillant pour la municipalité de Lima. C'est un homme d'une quarantaine d'années, très charismatique, et avec qui j'ai immédiatement un excellent contact, malgré nos difficultés de compréhension réciproques. Nous partons bientôt pour le port de pêche traditionnelle, où Mario a semble-t-il une réunion de travail dont je ne connais pas la teneur. Après le petit tour en bateau qui donnera l'album 1.03, quelques pêcheurs nous rejoignent sur le quai. L'un d'entre eux ne me quitte pas d'une semelle, et il me faut quelques minutes pour comprendre le rôle de protecteur qu'il s'est attribué, indiquant tacitement à la ronde mon statut d'invité, et non pas de touriste égaré. Une grande tablée nous attend, et je saisis bientôt l'enjeu de cette réunion, aidé par le résumé de Mario et la traduction de Jessica.

Les personnes présentes sont en fait les représentants de 15 quartiers formant Chorrillos, un bidonville fondé le 1er janvier 1999 et situé comme beaucoup d'autres à flanc des collines de terre entourant Lima. Les bidonvilles, ou "quartiers spontanés" (selon la dénomination officielle des Nations Unies) se distinguent par le fait qu'il se construisent de facon sauvage dans des zones non cadastrées et sans planification urbanistique préalable. Aujourd'hui, Chorrillos regroupe plus de 5'000 habitants, soit la population d'une ville comme Romont, ou trois fois celle de villages comme Neyruz, Hauterive ou encore Farvagny. Au total, on estime à 350'000 (soit la population de... Zurich, plus grande ville suisse) le nombre de Péruviens ayant gonflé les chiffres de l'exode rural par leur migration vers la capitale, à la recherche d'une vie meilleure, en même temps que ceux de ces quartiers spontanés dépourvus de statut légal.

Et c'est dans ces derniers mots que se trouvent tout l'enjeu dont je parlais un peu plus haut: la régularisation d'une situation tolérée mais pas moins illégale, sans laquelle l'accès à la plupart des services publics et aménagements urbains est impossible: installation d'égouts, revêtement des chaussées, mise en place d'un service de voirie, ou encore desserte en eau courante et en électricité. Mais la bénédiction municipale et l'obtention du titre de propriété tant espéré restent suspendues au respect de certaines normes, au premier chef desquelles la sécurité: construction de murs de protection, de voies d'accès sécurisées, etc. C'est sur ce point que des organisations humanitaires comme EcoPro, au sein de laquelle travaille Jessica, peuvent intervenir, par l'apport de moyens logistiques et/ou financiers.

Après quelques palabres et une collation aux allures de festin (ceviche, poisson frit et soupe de crabe, que j'avais presque mauvaise conscience à déguster), sans oublier une séance de photo-portraits à laquelle chacun se prête avec bonne humeur, nous partons pour une visite informelle et improvisée de Chorrillos, à la nuit tombante. Mes battements de coeur s'accélèrent à mesure que notre modeste véhicule tente péniblement d'accéder aux hauts quartiers (géographiquement parlant...) de Lima. Je crois qu'à partir de ce moment, un long frisson parcourera mon échine pendant les deux heures que dureront mon incursion dans ce qu'il convient d'appeler un autre monde. Les photos (dont vous trouverez un apercu dans l'album 1.08), que l'on m'encourage à faire en guise de témoignage et en vue de la constitution d'un dossier pour EcoPro, parlent d'elles-mêmes, mais ne sauraient rendre l'indicible sensation de se retrouver derrière l'objectif, voyeur autorisé d'une bien triste réalité. Ici, des enfants accourent en me gratifiant de leur plus beau sourire; là, un des chefs de quartier me présente avec fierté sa famille et les tôles qui leur tiennent lieu de maison; un peu plus loin, des adolescents pratiquent leur sport favori sur un terrain de fortune ("le match s'arrête quand il n'y a plus de ballon!", me lance un accompagnant rigolard, en pointant du doigt le ravin longeant la place de jeu); juste à côté, un camion-citerne remplit le réservoir public d'une eau contaminée pourtant payée au prix fort, sans que personne n'y puisse rien. Nous voilà bientôt emmenés au sein de la fête d'anniversaire d'une fillette du village, où je ne manque d'ailleurs pas de m'illustrer (cela n'étonnera pas grand monde) en intégrant avec enthousiasme la ronde dansante des petits péruviens présents.

Le trajet du retour se fera dans un silence quasi-religieux, le temps de digérer les événements d'un après-midi un peu irréel et d'encaisser le véritable choc émotionnel que ceux-ci ont provoqué. Il me faudra ce soir-là passablement d'abnégation pour ingurgiter le pourtant excellent repas concocté par Agnes, la faute à un estomac encore tout retourné par les péripéties du jour.

Samedi 14 octobre: rebelote. Mais cette fois-ci, la visite est officielle, un sociologue de la municipalité et deux représentants d'une organisation humanitaire espagnole accompagnant désormais Mario et Jessica. Et l'un des chefs de quartier de s'exclamer, au moment des présentations, juste après que Jessica ait précisé que je ne parlais pas espagnol: "pero baila!" ("mais il danse!"), dans l'hilarité générale :-). Ces gens n'ont manifestement pas perdu leur sens de l'humour! De mon côté, je me vois appuyé dans mon travail de photographe par Isabel (dont je vous ai déjà parlé dans l'album 1.06), arrivée entretemps à Lima en tant que volontaire pour un autre projet EcoPro au nord du Pérou. Une présence occidentale remarquée et suscitant des espoirs bien difficiles à assumer.

La situation semble avoir évolué dans le bon sens en une semaine, cela dit, et le message des autorités se veut optimiste... et motivateur, Mario martelant à qui veut l'entendre que rien ne pourra se faire sans la participation active des habitants eux-mêmes. La confiance est cependant de mise à ce sujet, la communauté et leurs représentants ayant fait montre à maintes reprises de leur détermination à coopérer étroitement avec la municipalité, en vue de l'amélioration de leurs conditions de vie, bien conscients que droits et devoirs sont étroitement liés.

Nous faisons ainsi le tour des différents quartiers, gratifiés à chaque fois d'une collation de bon aloi, jusqu'à ce qu'il convient d'appeler la "cérémonie officielle". Je pensais avoir atteint mes limites émotionnelles en prenant la parole à la demande de Jessica, d'une voix étranglée que même mes tout premiers étudiants n'ont jamais eu l'occasion d'entendre. C'était compter sans les demandes successives de trois jeunes femmes, à Isabel et moi-même, de devenir respectivement la marraine et le parrain de leurs bébés...! Une démarche à caractère avant tout symbolique (pas de jalousie, Nathan, tu restes mon filleul préféré! ;-)), sans doute, mais qui est évidemment loin de nous laisser e marbre. Notre accord timide est bientôt entériné, sous les applaudissements nourris de l'assistance. Une conclusion à la mesure de ces deux journées incroyables dont le souvenir restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Liens

  • Blog d'Isabel: pour en savoir plus sur son voyage et sur son travail de volontariat au nord du Pérou

  • Blog d'EcoPro: pour en savoir plus sur les activités de cette organisation humanitaire suisse

P.S. Je me trouve actuellement à Bariloche (dans la région des lacs, en Argentine), après avoir quitté un Chili  m'ayant globalement porté la poisse, exception (notable) faite de l'Ile de Pâques, tout simplement magique! La ville est agréable et très animée, en tant que destination touristique privilégiée des Argentins. Trek de trois jours dès demain dans les montagnes environnantes (avec Isabel, que le hasard a mise une dernière fois sur ma route avant son retour en Suisse, la semaine prochaine), avant de poursuivre mon bonhomme de chemin plus au sud, à la découverte de la Patagonie.

P.S. Il faudra vous satisfaire d'un seul nouveau chapitre, au lieu des deux promis (l'autre est en bonne voie). Car en plantant ma tente dans le jardin de Nelly, ici à Bariloche, je suis tombé sur une joyeuse ribambelle d'Argentins, jamais en rade quand il s'agit de faire la fête. Mes capacités rédactionnelles (qui laissaient déjà à désirer) en ont quelque peu souffert (retour dans ma modeste pénate à 7h30 ce matin...). :-p

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Balade au bout du Monde
  • Mes pérégrinations autour de notre bonne vieille Terre, avec en point de mire la découverte des pays suivants: Pérou, Bolivie, Chili (+ Ile de Pâques), Argentine, Mexique, Etats-Unis (NY et SF), Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam, Myanmar, et Inde.
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