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Balade au bout du Monde
31 mai 2007

1.k. Cusco & Machu Picchu

Mise en ligne du message: je 31 mai 2007, 21h05
Mise en ligne de l'album 1.11: je 31 mai 2007, 21h05

Il fallait bien qu'une fausse note vienne un jour troubler le concert de louanges que je vous fais du Pérou. Ce moment est arrive, et c'est Cusco, ex-capitale inca et lieu mythique s'il en est, qui a paradoxalement le triste honneur d'essuyer les platres...

La ville avait pourtant tout pour me plaire, de par son histoire et sa situation geographique hors du commun: car perchee dans les Andes peruviennes, au confluent mythologique des mondes souterrain, visible et superieur de ses ancetres, celle dont le nom quechua signifie "nombril du monde" garde en ses murs de nombreuses traces de son glorieux passe, malgre les destructions ayant accompagne l'arrivee des Espagnols en 1534.

C'est d'ailleurs une Plaza de Armas encore deserte et baignee dans la magnifique lumiere du petit jour qui recueille mes premieres impressions, forcement positives, en ce matin du 6 novembre. Les colporteurs et vendeurs en tous genres etaient encore couches... Cela n'allait effectivement pas durer, car quelques heures plus tard, apres avoir pris mes quartiers dans une modeste auberge (El Mirador del Inca, joli nom n'est-ce pas?) conseillee par Angel, me voila assailli de toutes parts: souvenirs, bibelots, visites guidees de la ville, tarot, massages des pieds, propositions d'excursions, taxis, restaurants en tous genres et j'en passe. Parlons-on, des restaurants: impossible ou presque de mettre le grappin sur un etablissement proposant de la nourriture du pays, au milieu de toutes ces gastronomies occidentales (je finirai finalement par trouver la perle rare). Quelques petites vieilles rabougries, descendues de leur montagne en costume traditionnel, font de l'oeil aux photographes, agrippees a un lama fourbu. Je ne peux m'empecher d'imaginer ironiquement l'armailli, de bredzon vetu, exhibant sa Marguerite toute chenayee sur la place Georges-Python de Fribourg, en quete de quelques pieces. Une analogie pas aussi absurde qu'il y parait, en fait, Cusco etant un peu la Gruyeres peruvienne: une carte postale sans ame, une enveloppe vide.

Vous me trouverez sans doute bien severe (surtout les Grueriens :-p), et certaines circonstances exterieures ont peut-etre radicalise mon jugement. Le fait de me retrouver soudainement seul apres ces nombreuses semaines "en famille"? Possible. Il se peut aussi que la meteo ait negativement influe sur ma perception de l'endroit, car le soleil a vite fait place a une pluie tenace et de plus en nourrie, ce qui n'a pas manque de bousculer mes projets de balade a velo dans la Vallee Sacree toute proche. Quitte a finir mouille, j'ai alors opte pour une journee de rafting (activite reputee dans la region), mais celle-ci est egalement tombee a l'eau (...). Du coup, apres quelques timides visites de la ville et du musee local (tres interessant, ne crachons pas non plus dans la soupe), j'ai rapidement reporte mes espoirs sur la randonnee de cinq jours en direction du Machu Picchu. 

Mon choix s'est arrete sur le trek denomme Salkantay, une variante encore peu courue du fameux Chemin de l'Inca (ou Inca Trail en anglais). Troncon mythique de l'immense reseau de communication que les Incas avaient etabli dans tout l'Empire, ce dernier est effectivement l'objet d'un commerce un peu trop juteux a mon gout, malgre les restrictions mises en place depuis quelques annees. Oubliez vos projets de partir en aventurier a la decouverte de la citadelle perdue, tel Esteban a la recherche des Cites d'Or (clin d'oeil aux trentenaires)! L'acces au Chemin de l'Inca ne pouvant desormais se faire que par le biais d'agences autorisees, il vous faudra sagement suivre le guide, apres vous etre deleste des 300 a 400 dollars vous donnant le droit d'en disposer. Tout ca pour dormir parmi plusieurs dizaines d'autres (riches) touristes occidentaux, et terminer votre periple au milieu d'une interminable file indienne. Aaah Corinne et Marc, je vous envie parfois d'avoir decouvert le Monde (ou du moins le Perou ;-)) quinze ans avant moi!

La variante Salkantay, du nom de la montagne qui domine la region visitee, privilegie la nature a la culture, la jungle d'altitude remplacant en grande partie les complexes archeologiques jonchant le parcours originel. Plus longue, et culminant a 4'650 metres, elle est aussi reputee physiquement plus coriace. Et a ce niveau-la, certains n'allaient pas etre decus...

Des le depart (reporte d'un jour en raison d'un eboulement, soi-disant), l'organisation sent carrement le roussi: ce n'est qu'a 6h00, avec un bon tour d'horloge de retard, qu'on vient me chercher a mon auberge pour me presenter a mes compagnons de fortune: une cohorte de dix (!) Catalans, alors qu'on m'avait promis une limitation a six touristes. Les Espagnols ne sont pas forcement ravis de me voir non plus (ni la Neerlandaise qui grossira encore nos rangs), persuades qu'ils etaient de pouvoir rester tranquillement entre eux (il s'agit d'un groupe de volontaires travaillant a Cusco pour le compte d'une organisation iberique). Histoire de saler un peu plus l'addition, j'apprends en route que l'excursion ne durerait que quatre jours au lieu des cinq initialement prevus, a la demande de Catalans presses par leurs obligations professionnelles. Aie. M'enfin, le moment des doleances viendrait bien assez tot, et decision personnelle est prise de ne pas gacher mon trek pour si peu, d'autant plus que notre guide me semble sympathique et que la bonne humeur s'installe rapidement au sein de l'equipe.

Sympa le guide, certes, mais un peu ole-ole, comme on dit. Car il faut faire preuve d'une certaine autorite, avec une escouade pareille! Deja que le bus a ete passablement retarde par le piteux etat de la route, et qu'il nous a fallu pres de deux plombes pour diner. A la pensee que le raccourcissement du trek fait de cette premiere journee la plus ardue, avec de nombreuses heures de marche a la cle et surtout le passage du col a 4'650 metres d'altitude, je peux sentir les problemes venir a plein nez... Je me souviens aussi de ces fameuses probabilites, qui ont sauve mon bac' de math' (benies soient-elles): en supposant que 20% de la population moyenne souffre du mal d'altitude, 10% de gelures aux extremites des zero degre Celsius et 15% de difficultes respiratoires apres quatre heures de marche, quelle est la probabilite de rencontrer l'un ou plusieurs de ces problemes dans une expedition composee d'une majorite d'Espagnols peu sportifs et vivant dans un climat mediterraneen au niveau de la mer ;-)?

Il serait pourtant injuste de m'acharner sur ces pauvres Catalans, qui font preuve d'une rare bonne volonte, voire d'un courage exemplaire. Car apres quatre heures d'effort (pour les plus lents) entre 3'000 et 4'650 metres d'altitude, par une temperature frolant les valeurs negatives, il nous faut faire face a bien pire: la grele d'abord, puis la pluie, la boue, quatre autres heures durant, dans une obscurite totale a peine mise a mal par nos faiblardes lampes frontales. De l'eau par trombes, tombant du ciel a grosses cordes, ruisselant de partout, inondant jusqu'a nos chevilles, transformant le moindre ruisseau en torrent dechaine. Des torrents le plus souvent traverses a l'aide de passerelles improvisees, moments durant lesquels je prefere ne pas penser a la consequence du moindre faux pas. Des conditions telles que meme nos guides semblent parfois perdus, au propre comme au figure, ce qui ne manque pas d'echauffer quelques-uns de mes collegues deja au bord de la crise de nerf. A 22h30, nous arrivons finalement a destination et trouvons refuge dans la minuscule cahutte d'un berger, une couche aqueuse de 10 cm empechant l'installation des tentes. J'observe avec etonnement et un certain amusement mes compagnons se debarrasser de leurs couches successives, aussi trempees les unes que les autres, malgre vestes et pantalons de pluie. C'est la que je me felicite d'avoir investi dans du materiel de qualite et que je remercie une fois de plus (interieurement) mes amis pour la belle et surtout efficace veste qu'ils m'ont offert avant mon depart :-). Testee et approuvee!

Le deuxieme jour, apres un interminable debat sur le bien-fonde de cette aventure auquel j'assiste presque en spectateur, nous allons finalement de l'avant, motives par une meteo plus clemente, une brume persistante ayant remplace les pluies diluviennes de la veille. L'occasion pour moi d'apprecier a sa pleine mesure le formidable environnement que nous offre cette jungle d'altitude, aide par les explications passionnantes de l'aide-cuisinier qui nous accompagne. C'est ainsi que je touche, hume, goute et teste toutes ces plantes bien connues des locaux pour leurs proprietes gustatives et/ou curatives, et que je surprends plus souvent qu'a mon tour l'etonnante faune qui habite ces lieux. Un bonheur n'arrivant jamais seul, le soleil vient meme nous titiller de ses chaleureux rayons, que certains mettent a profit durant la pause-diner pour faire secher leurs vetements de la veille. Le bonheur ne durant jamais eternellement, la pluie fait a nouveau des siennes en fin de journee (mais de facon plus moderee), la frequence et la duree prolongee de nos haltes nous obligeant qui plus est a y faire face de nuit, une fois de plus!

En comparaison de ces deux premieres journees physiquement eprouvantes, la troisieme s'avere etre une vraie promenade de sante: trajet en bonne partie motorise (a part les deux dernieres heures et demie, pour ceux n'ayant pas cede a la tentation du train), bains thermaux, festin concocte par notre incroyable maitre-queue, et nuit en hotel. De quoi se remettre d'aplomb avant la quatrieme journee!

Une derniere journee dont l'echauffement consiste, pour ceux qui le souhaitent (car des bus font la navette entre Agua Calientes et le Machu Picchu), a gravir a l'aube les hautes marches de pierre menant au site inca. 31 minutes de souffrance, en ce qui me concerne, puisque j'ai la bete idee de relever le defi du guide d'en mettre moins de 40 a rejoindre le sommet (il en faudra 46 au second :-p)! Une course frenetique qui contraste avec la serenite presque religieuse avec laquelle je penetre dans la cite sacree, encore noyee dans la penombre et le brouillard matinal. Je quitte alors mon groupe pour me poster en contrehaut de la citadelle, dont le role et le fonctionnement exacts restent encore sujets a de nombreuses interrogations. Construite au milieu du 15e siecle, elle aurait vraisemblablement ete abandonnee avant l'arrivee des Espagnols. Sa redecouverte, en 1911, mettra rapidement sa richesse architecturale et sa situation geographique unique, entre ciel et terre, au pantheon des plus beaux paysages crees par la nature et modeles par l'Homme.

C'est ce que j'allais bientot pouvoir constater de mes propres yeux, les epais volutes blancs se dissipant peu a peu et laissant progressivement apparaitre ce chef d'oeuvre de l'Homme et de la nature reunis, dans une atmosphere quasi surnaturelle. Encore une journee a marquer d'une pierre blanche...

Je passerai outre les ultimes peripeties de notre escapade (ratage du train a Agua Calientes, negociations avec la compagnie locale, arrivee tardive a Cusco, remboursement partiel par l'agence, etc.) pour garder le meilleur de cette expedition exigeante, et meme risquee, mais aussi pourvoyeuse d'emotions carabinees. A commencer par les forts liens de solidarite voire d'amitie que j'ai tisses avec ces Espagnols au grand coeur, chez qui j'ai d'ailleurs passe une grande partie de ma derniere journee a Cusco.

P.S. La photo ci-dessous n'est pas de moi (et pour cause!), mais comme elle est particulierement representative de l'exceptionnelle situation geographique du site, je vous la mets en bonus:

machupicchu

P.S. Toujours la, vous? He be, vous n'etes pas rancuniers! Pfiou, ca va etre difficile de vous resumer ces deux derniers mois dans un simple post scriptum, mais sachez que ce n'etait quasiment que du bonheur: New York m'a bluffe, San Francisco m'a ravi, bon... Hongkong et Bangkok ne m'ont pas exactement enchante, mais le Myanmar... aaah le Myanmar, il faut vraiment que je vous raconte ca avant mon retour (c'est ca, ricanez)! Et la Thailande, aussi, puisque je me trouve actuellement dans le centre-est du pays, grandement epargne par le tourisme. Je me suis extirpe il y a peu du domicile d'Alexandre, une vieille connaissance installee a Korat, chez qui je me suis incruste deux semaines (le pauvre :-p), et viens d'obtenir mon visa laotien en vue de mon prochain passage de frontiere (demain normalement). Tout ca pour vous dire qu'afin d'accelerer les choses, je ne vais desormais poster qu'un message par pays visite, en plus de la presentation generale a laquelle je tiens (celle de la Bolivie est deja faite, en plus). De toute maniere, j'ai renvoye mes guides et certaines notes personnelles en Suisse, et comme ma memoire flanche... Et puis bon, je ne suis pas dupe, hein: seules les photos vous interessent, je l'sais bien! ;-)

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